
Hier, j’imagine que de nombreux cinéphiles québécois avaient marqué leur calendrier d’un joli X et s’étaient réservé une partie de leur vendredi soir pour assister à la projection de la nouvelle œuvre The Master de Paul Thomas Anderson. Si ce n’était pas votre cas, l’auteur du texte, lui, a réussi à se libérer de ses fonctions pour pouvoir s’écraser devant cette magnifique production filmée en 65mm et projetée en 70mm sur écran.
The Master est le sixième long métrage réalisé par Paul Thomas Anderson. Ayant à son actif une filmographie impeccable dont l’excellent Magnolia et le chef-d’œuvre There Will be Blood (se positionnant au 202e rang d’une sélection des 250 meilleurs films par les critiques lors du sondage de 2012 de Sight & Sound), la barre était élevée…vraiment. Après avoir été mis en haleine à plusieurs reprises par de magnifiques bandes-annonces, le dernier film d’Anderson est une réussite. On comprend alors pourquoi il a été récompensé de plusieurs prix, cette année, à la Mostra de Venise et proclamé par plusieurs critiques comme faisant partie des meilleurs films de 2012.
L’œuvre raconte le récit de Freddie Quell (Joaquin Phoenix), vétéran de la Deuxième Guerre mondiale atteint d’un trouble de stress post-traumatique. Quell veut réintégrer la société en essayant de se trouver un emploi suite à ses fonctions de soldat. Dû à ses problèmes psychologiques ainsi que par ses dépendances sexuelle et alcoolique, le processus de réinsertion sociale sera plus ardu. Lors d’une soirée bien arrosée, il errera dans les rues et il s’infiltrera sur un énorme bateau de croisière. Il fera la rencontre de Lancaster Dodd (Philip Seymour Hoffman), un intellectuel à la fois écrivain, philosophe, physicien et docteur. Avant tout, un homme pour le citer. Dodd se fait appeler «maître» par les gens de son entourage et des nombreux individus qui s’abreuvent de son savoir. Il prendra sous son aile Quell et il essayera de faire son possible pour essayer de le guérir de ses troubles psychologiques. L’œuvre a été mal perçue par le mouvement religieux de la scientologie, car le personnage de Dodd ressemble étrangement à son fondateur L. Ron Hubbard.
D’un point de vue esthétique, l’œuvre filmée en 65mm est magnifique à regarder. D’un plan à l’autre, le cadrage est calculé et ajusté de façon à discerner le génie de Paul-Thomas Anderson. On remarque tout de suite sa maîtrise de l’image. D’une certaine manière, Anderson emprunte le concept de l’image-temps au théoricien Gilles Deleuze. On peut vulgariser ce concept porté sur l’image en mentionnant qu’Anderson permet de développer ses personnages dans des plans comportant une certaine durée. Par exemple, on peut dénoter cette utilisation, lorsqu’Anderson utilise le gros plan sur le personnage de Freddie Quell et lui pose quelques questions d’ordre personnel. Il lui demande de ne pas cligner des yeux et Anderson braque sa caméra sur le visage de Quell pendant un certain temps pour qu’on puisse discerner toute l’émotion du personnage. Sans trop extrapoler sur l’analyse de l’image, Paul Thomas Anderson emploi une belle trame sonore de Johnny Greenwood (un des membres de Radiohead) donnant ainsi une atmosphère mystérieuse et psychédélique au film. On pense à l’utilisation de la musique dans la scène d’introduction si judicieusement conçue. Là où le film rayonne davantage, c’est au niveau de l’interprétation des personnages de Joaquin Phoenix et Philip Seymour Hoffman. Depuis son premier film Hard Eight, Anderson a toujours accordé de l’importance à ses personnages un peu comme le font les réalisateurs Tarantino ou Jarmusch. Il est important pour lui d’avoir des personnages ayant leur propre personnalité forte, portant ainsi à l’écran une richesse au niveau émotionnel et psychologique grâce au jeu des interprètes.
Bref, The Master de Thomas Anderson est une œuvre accomplie et confirme à nouveau la réputation de son créateur. Un film auquel on doit se consacrer de regarder à nouveau pour mieux piger la complexité et la finesse de son scénario si bien ficelé. On ne peut que souhaiter l’arrivée d’un nouveau long métrage du réalisateur dans les prochaines années à venir.
