
Production anglo-américaine, 12 Years a Slave marque le retour tant attendu du cinéaste anglais Steve McQueen (Hunger, Shame). Avec un mince budget d’environ 20 millions, le réalisateur réussit à créer peut-être un des films américains les plus honnêtes et les plus importants, non seulement de l’année, mais également de toute l’histoire du cinéma sur l’esclavage des Afro-Américains.
Tiré du roman autobiographique du même titre, de Salomon Northup, écrit en 1853 et scénarisé par John Ridley, le récit dévoile la terrible destinée d’un homme noir, libre, devenu esclave. Salomon Northup (Chiwetel Ejiofor), violoniste de profession, vit avec sa famille à Saratoga dans l’état de New York. Du jour au lendemain, invité pour pratiquer son art au cours d’une soirée à Washington, il est drogué, kidnappé et perd sa liberté. Il est alors vendu comme esclave pour travailler sur des plantations de coton.
Sombre, brutale et viscérale, totalement différente de la dernière œuvre divertissante de Tarantino, McQueen s’attarde à dépeindre davantage le climat de terreur au cœur du quotidien des esclaves. Le réalisateur anglais, ne souhaitant faire un traitement hollywoodien de cette page obscure de l’histoire américaine, conserve la signature de ses deux derniers films. McQueen effectue un travail judicieux sur la durée des plans permettant ainsi d’accentuer l’intensité de quelques scènes difficiles. Notamment, un moment vers la fin de l’œuvre où le cinéaste utilise un gros plan fixe d’une durée d’environ deux minutes sur le personnage de Salomon, s’avère complètement génial. Ce dernier, désabusé et désespéré, regarde la caméra et interpelle alors le spectateur afin de lui rappeler que l’esclavage se révèle être plus fort qu’un long-métrage. Ici se déroule l’histoire horrible d’un homme, la misère de tout un peuple subissant la cruauté humaine à une période historique tout à fait sans merci. Bref, voilà devant nous, spectateurs, le cauchemar américain si peu exploité au grand écran.
Au cours de l’histoire du cinéma américain, les grands studios ne se sont pas nécessairement empressés de couvrir cette période honteuse constituant le patrimoine des États-Unis. À cet effet, il a fallu attendre l’arrivée d’un cinéaste anglais en territoire américain ainsi que l’aide financière de Brad Pitt, agissant en tant que producteur privé (avec sa boîte de production Plan B), afin de permettre la création d’une œuvre audacieuse comme celle de Steve McQueen. Filmée en grande partie en Nouvelle-Orléans, cette œuvre comporte une panoplie d’acteurs de grand calibre se donnant la réplique dans un somptueux paysage rendu par le directeur de la photographie Sean Bobbit (il a participé notamment aux autres longs-métrages de McQueen). Le jeu des interprètes se veut magnifique. Dans la peau du protagoniste, Chiwetel Ejiofor est une révélation. Il incarne gracieusement le personnage de Salomon Northup, un homme intelligent, éduqué et cultivé qui, afin de survivre, doit cacher sa véritable nature. De son côté, Michael Fassbender, interprétant le maître de plantations barbare et cruel, joue encore une fois à merveille. Également, les acteurs de support occupent une position essentielle à l’intérieur de l’œuvre de McQueen se soulignant par les prestations remarquables de Paul Dano, Paul Giamatti, Brad Pitt, Benedict Cumberbatch, Garret Dillahunt, Sarah Paulson et Lupita Nyong’o. Notons toutefois un petit bémol au niveau de la trame sonore signée par le talentueux Hans Zimmer. Loin d’être mauvaise, cette dernière s’avère plutôt inconsistante et ressemble à un amalgame de plusieurs pistes musicales propres au compositeur allemand.
12 Years a Slave crie à nouveau le génie de Steve McQueen et inscrit peut-être le cinéaste anglais comme auteur, suite à une troisième œuvre jouissant encore une fois d’une signature esthétique et thématique façonnant la vision personnelle de ce dernier. L’œuvre pourrait définitivement se révéler la meilleure production américaine de l’année grâce à son importance historique et à la qualité de celle-ci.
Note: 4.5/5
