Je prends le temps de vous faire part de dix long-métrages qui m’ont marqué en 2013. Entre une gorgée de vin couleur rougeâtre et une bouchée de sandwich (sans croûtes), je vous partagerai ces quelques titres importants, qui, à mon sens, se doivent d’être vus par tout cinéphile qui se veut sérieux. En vous souhaitant de Joyeuses fêtes et j’espère vous faire découvrir quelques merveilles du septième art. Bonne année!
10. Le démantèlement de Sébastien Pilote
Lyrique et contemplative, l’œuvre Le démantèlement de Sébastien Pilote (Le vendeur) s’avère, d’une certaine façon, une lettre d’amour envers le genre western. Passionné avant tout par Heaven’s Gate de Michael Cimino et The Searchers de John Ford, le réalisateur québécois accorde une importance significative à la nature ainsi qu’aux paysages de campagne. Gabriel Arcand, judicieusement sélectionné dans le rôle principal, crève littéralement l’écran par une interprétation fortement réaliste d’un père de famille solitaire et propriétaire d’une ferme. Cette année, le second long-métrage de Pilote se veut un incontournable du cinéma québécois et annonce la voix d’un cinéaste prometteur.
9. A Touch of Sin de Zhangke Jia
Présenté dans le cadre du Festival du nouveau cinéma (FNC), A Touch of Sin de Zhangke Jia (Still Life) dresse le portrait de la Chine contemporaine en quatre histoires différentes en mettant en scène divers personnages. Plutôt que d’amener les protagonistes à se croiser bêtement au sein du récit, le cinéaste chinois établit des liens au niveau thématique évoquant ainsi diverses caractéristiques néfastes de la modernité chinoise. Gagnant du meilleur scénario au dernier festival de Cannes, le film de Jia surprend par sa complexité tant au niveau du fond que de la forme. Si vous ne connaissiez pas, Zhangke Jia à prime abord, A Touch of Sin se révèle être un bon choix pour s’initier à son style.
8. All is Lost de J.C. Chandor
All is Lost de J.C. Chandor (Margin Calls) est peut-être l’une des œuvres les plus audacieuses de l’année dû à l’idée d’intégrer seulement un personnage, Robert Redford, pour soutenir un récit de plus d’une heure et demie. Minimaliste et presque silencieux, ce dernier raconte l’histoire d’un homme qui essaie de survivre en haute mer suite à un accident de bateau. Pour bien décrire le long-métrage All is Lost, on peut penser ici à la séquence de Life of Pi d’Ang Lee où le personnage de Pi Patel essaie de survivre dans son bateau. Toutefois, on devra soustraire les animaux sauvages, le caractère fantastique et les différents artifices qu’on retrouve dans l’œuvre de Lee. Le spectateur a accès plutôt à une œuvre hyperréaliste présentant les faits et gestes d’un protagoniste quasi-muet. Celui-ci prendra plaisir tout au long du film à construire et à interpréter le portrait d’un homme. Le long-métrage prend vie dû à la remarquable performance de Robert Redford et on ne peut qu’être impatient de voir le prochain film de Chandor.
7- No de Pablo Larraín
No de Pablo Larraín (Tony Manero, Post Mortem) raconte l’histoire incroyable d’un publiciste (Gael García Bernal) qui a usé de ses connaissances et compétences en marketing et en publicité afin de concevoir une campagne publicitaire pour amener la population chilienne à voter contre le régime militaire du général Augusto Pinochet. Le film se veut intéressant pour démontrer comment la publicité peut être utilisée de manière autre que dans le but de vendre des biens de consommation et qu’en utilisant ses codes, on est susceptible de toucher non seulement la population, mais également de provoquer un changement. Larraín pond un long-métrage important sur la révolution chilienne en témoignant du récit fort intéressant d’un homme qui a contribué à l’histoire de son pays.
6- Gravity d’Alfonso Cuarón
Véritable spectacle et délice sensoriel, Gravity d’Alfonso Cuarón raconte le récit de deux astronautes qui devront survivre dans l’espace suite à un accident. L’œuvre de Cuarón se veut la parfaite définition du spectaculaire au cinéma. Que ce soit le personnage de Sandra Bullock qui erre dans l’espace ou qui gravite à l’intérieur d’un vaisseau spatial, le film agit sur les sens du spectateur. Ce dernier vivra une expérience cinématographique, l’image et le son prennent ainsi une toute autre dimension. La 3D s’avère ici bien exploitée et le visuel tout à fait admirable, ce qui permet d’oublier les quelques clichés du scénario. Gravity est définitivement le meilleur blockbuster de l’année.
5- Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée
Dallas Buyers Club réalisé par le québécois Jean-Marc Vallée est une agréable surprise. Évoquant l’esprit du cinéma des années 70 par ses personnages colorés et marginaux, le long-métrage dévoile le récit d’un homme hétérosexuel (Matthew McConaughey) contractant le sida et qui décide de prendre la loi en main en faisant le commerce d’un médicament interdit. Il le fait avant tout pour sa propre survie, mais également pour une communauté aux prises du VIH. L’œuvre de Vallée se veut fort intéressante par l’idée de rendre visibles à l’écran des personnages homosexuels et transexuels (on pense à l’excellent Jared Leto) trop peu présents dans le cinéma américain populiste. La carrière de Vallée aux États-Unis est irrévocablement lancée tout comme celle de Denis Villeneuve avec l’excellent thriller policier Prisoners.
4- Mud de Jeff Nichols
Mud de Jeff Nichols (Shotgun Stories, Take Shelter) est une autre œuvre rappelant le Nouvel Hollywood ou le cinéma américain des années 70 dû à un rythme non conventionnel, un fort réalisme et la visibilité d’un protagoniste criminel ou hors-norme à l’écran. Le film évoque le récit de Mud, un fugitif au passé trouble (Matthew McConaughey) réfugié sur une île déserte sur les rives de la rivière Mississippi qui sera découvert par deux jeunes garçons. McConaughey prouve à nouveau qu’il doit dorénavant refuser tout rôle de comédies romantiques hollywoodiennes dû à ses excellentes interprétations récentes. Bref, l’année 2012, mais surtout 2013, se veut le moment de gloire de l’acteur américain et il s’avère complètement incompréhensible que le talent enfoui de ce dernier soit révélé aussi tardivement.
3- 12 Years a Slave de Steve McQueen
12 Years a Slave, œuvre du cinéaste anglais Steve McQueen (Hunger, Shame) révèle le témoignage d’une page sombre de l’histoire des États-Unis, c’est-à-dire celle de l’esclavage des Afro-Américains. Elle raconte le récit d’un homme noir (Chiwetel Ejiofor) perdant sa liberté et devenant esclave pendant une période de douze ans. Les grands studios hollywoodiens ne se sont pas empressés de sortir diverses productions sur cette période honteuse et il a fallu attendre l’arrivée d’un réalisateur en provenance de l’Angleterre ainsi que l’aide financière de Brad Pitt agissant à titre de producteur privé. Plus classique et moins éclaté dans sa forme que ses précédents longs-métrages, le film comporte d’excellentes performances, dont celle de Chiwetel Ejiofor, de Michael Fassbender, de Paul Dano et des autres acteurs de soutien. En fin de compte, 12 Years a Slave s’avère un des films américains les plus marquants de l’année par l’importance historique que documente l’œuvre de McQueen. À voir absolument…
2- La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche
Gagnant de la Palme d’or au dernier Festival de Cannes, La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche ne pourrait être autant d’actualité avec les différents conflits qui ont eu lieu en France vis-à-vis le droit de la minorité homosexuelle à se marier. L’œuvre de Kechiche tout comme L’inconnu du lac d’Alain Guiraudie a fait également verser beaucoup d’encre sur ce qui était «politiquement correct» de montrer à l’écran en matière de sexualité (homosexuelle) et les deux films ont été provocateurs dû au fait que chacun, à leur manière, ont tenté de repousser les frontières de ce qui peut être vu au cinéma sans basculer du côté de la pornographie. En somme, La vie d’Adèle de Kechiche est un très beau film intimiste sur la découverte de soi (ou de l’orientation sexuelle dans le cas d’Adèle, interprétée par l’excellente Adèle Exarchopoulos). Quoi dire de plus sur ce merveilleux film qui a semé la controverse non seulement par ses longs plans-séquences sulfureux, mais également dû à la relation explosive entre le cinéaste franco-tunisien et les actrices principales.
1- The Great Beauty de Paolo Sorrentino
Présenté en avant-première au Québec dans le cadre du dernier Festival du nouveau cinéma (FNC), The Great Beauty de Paolo Sorrentino s’avère peut-être le film le plus fabuleux de l’année. Grandement inspiré par le célèbre cinéaste italien Fédérico Fellini, Sorrentino livre un somptueux film sur l’existentialisme. Le récit met en perspective un personnage du nom de Jep Gambardella (Tony Servillo) qui est journaliste et écrivain. Suite à l’anniversaire de ses 65 ans, ce dernier remet en question sa vie entière. Cynique et à la limite de la dépression, le protagoniste délaisse son style de vie débauchée et essaie de trouver une certaine «beauté» dans ce vide existentiel, absurde et superficiel auquel il a toujours gravité au sein de son parcours personnel. D’une trame sonore rythmée et d’une mise en scène dynamique, Sorrentino amène le spectateur à s’attacher et à rentrer dans l’intimité de ce personnage complètement désabusé. Le plus beau cadeau que tout cinéphile doit s’offrir est celui d’expérimenter The Great Beauty au cinéma. Pour ceux qui l’auraient manqué au FNC, il sera à l’affiche à la mi-janvier. Du septième art à l’état pur…
Et pour les plus curieux d’entre vous, 20 autres films à ne pas manquer cette année qui auraient pu définitivement faire partie du palmarès.
(Pas en ordre précis)
– Spring Breakers d’Harmony Korine
– Only God Forgives de Nicolas Winding Refn
– Out of the Furnace de Scott Cooper
– The Place Beyond the Pines de Derek Cianfrance
– Blue Jasmine de Woody Allen
– The Wolf of Wall Street de Martin Scorsese
– Inside Llewyn Davis des frères Coen
– L’inconnu du lac d’Alain Guiraudie
– Drug War de Johnnie To
– Jeune et jolie de François Ozon
– Vic + Flo ont vu un ours de Denis Côté
– Like Someone in Love d’Abbas Kiarostami
– Tom à la ferme de Xavier Dolan
– Les manèges humains de Martin Laroche
– Stoker de Chan-wook Park
– Lore de Cate Shortland
– Rush de Ron Howard
– Prisoners de Denis Villeneuve
– Reality de Matteo Garrone
– Dans la maison de François Ozon
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(Petite précision)
La chasse de Thomas Vinterberg a été écarté de la liste, car j’avais eu la chance de le voir au FNC de 2012 et de l’intégrer à mon palmarès de l’an dernier. Malheureusement, par manque de temps, je n’ai toujours pas vu quelques films essentiels de 2013 dont The Past (Asghar Farhadi), Wadja (Haifaa Al-Mansour), Grand Central (Rebecca Zlotowski), Diego Star (Frédérick Pelletier), The Broken Circle Breakdown (Felix Van Groeningen) ou The Act of Killing (Joshua Oppenheimer et autres co-réalisateurs).











