En ce début d’année, je vous propose non pas un palmarès de dix longs-métrages essentiels de 2014, mais plutôt une sélection de quinze œuvres, qui, à mon sens, se doivent d’être vues et peut-être même revues. Vous devez alors vous demander pourquoi avoir choisi ce nombre? La raison est fort simple, je trouvais qu’une liste composée d’une dizaine de titres ne permettait pas de rendre justice à la panoplie de films d’envergure qui ont pris l’affiche au grand écran au cours de la dernière année.
15. Maps to the Stars de David Cronenberg – Canada, États-Unis, Allemagne et France
Critique et satire d’Hollywood, le cinéaste d’origine canadienne dresse un portrait fort terrifiant du ravage que produit cet univers particulier sur les artistes et tous les autres individus qui se plient à la machine hollywoodienne. Un récit fort éloigné du rêve américain…
14. Deux jours, une nuit de Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne – Belgique, France et Italie
Fidèles à eux, les frères Dardenne livrent encore une fois un drame social. Ce coup-ci, ils ont recours toutefois à une interprète connue (l’excellente Marion Cotillard) afin de camper Sandra, la protagoniste. Au cœur du récit se trouve alors une histoire de courage et de détermination où l’on suit les péripéties d’une battante issue de la classe ouvrière prête à tout pour conserver son emploi.
13. Nymphomaniac Vol. 1 & 2 (Director’s Cut) de Lars Von Trier – Danemark, Allemagne, Belgique, Royaume-Uni, France et Suède
Près d’une heure et demie fut coupée pour la présentation du film en salle. Poussant la provocation encore plus loin, cette version permet au controversé cinéaste danois de repousser davantage les frontières de son art. La vie d’une jeune femme accro au plaisir de la chair n’a jamais autant été dévoilée à l’écran que par la caméra de Von Trier.
12. The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson – États-Unis, Allemagne et Royaume-Uni
Bourrée d’humour et d’humanité, cette fable de Wes Anderson gagne à nouveau le pari de transporter le spectateur dans un monde singulier bien à lui. Cette fois, on retient l’incroyable prestation de Ralph Fiennes et la photographie léchée de Robert D. Yeoman qui a travaillé à plusieurs reprises avec le cinéaste américain sur divers projets.
11. Foxcatcher de Bennett Miller – États-Unis
Troisième œuvre bibliographique du réalisateur après Truman Capote et Moneyball, Miller s’intéresse ici à la relation destructrice et suffocante entre un entraîneur fortuné, John du Pont (interprété par le méconnaissable Steve Carell) et deux frères champions olympiques de lutte gréco-romaine (incarnés par Channing Tatum dans un rôle qui est peut-être son meilleur en carrière et par le consistant Mark Ruffalo) qui aspirent à être médaillés d’or dans leur discipline. Un autre long-métrage qui s’avère intéressant pour sa critique de la société américaine en révélant notamment l’impossibilité de l’american dream.
10. Gone Girl de David Fincher – États-Unis
Pour sa neuvième œuvre de fiction, le cinéaste américain s’attaque aux problèmes conjugaux et aux jeux médiatiques qui transforment la vie d’un simple citoyen (Ben Affleck) suspecté d’être impliqué dans la disparition de sa femme. Digne d’un véritable suspense hitchcockien, on tient à souligner l’interprétation révélatrice de l’actrice Rosamund Pike et la trame sonore enveloppante composée par Trent Reznor qui immerge le spectateur au sein de cet univers tordu si bien dépeint par Fincher.
9. Wild de Jean-Marc Vallée – États-Unis
Second long-métrage du cinéaste québécois à Hollywood, Vallée conserve encore une fois sa vision et sa créativité à travers une industrie uniformisante et profitable. Le scénario basé sur la vie réelle de Cheryl Strayed met en scène l’interprète Reese Witherspoon en quête de rédemption. À la suite d’un deuil et d’une rupture, elle cherchera à se ressourcer à travers la nature sauvage des grands espaces forestiers et désertiques de la Pacific Crest Trail dans l’Ouest américain.
8. Whiplash de Damien Chazelle – États-Unis
Véritable lettre d’amour envers la musique jazz, le long-métrage de Damien Chazelle est une sublime découverte. Ce cinéaste qui m’était inconnu à ce jour impressionne par sa mise en scène fort maîtrisée et par la performance de ses deux acteurs principaux. Pour son second film, Chazelle s’intéresse à la relation toxique entre un élève ambitieux, Andrew Neyman (Miles Teller) qui cherche à devenir un batteur professionnel et son maître, Terence Fletcher (J.K. Simmons) qui le pousse de manière extrême à se dépasser pour atteindre son but.
7. Under the Skin de Jonathan Glazer – Royaume-Uni, États-Unis et Suisse
Influencée par le cinéma expérimental, l’œuvre de Glazer se veut une expérience sensorielle. Cette fiction composée de quelques séquences à l’esthétique documentaire est une adaptation libre du bouquin Under the Skin de Michel Faber. À la fois interprétatif et purement créatif, ce film démontre à merveille l’immersion dans le monde humain d’une femme (Scarlett Johansson) venue d’ailleurs.
6. Her de Spike Jonze – États-Unis
Satire du 21e siècle, Jonze concocte un film sur la dépendance et l’isolement qu’engendrent les nouvelles technologies. Accompagnée d’une très belle trame sonore d’Arcade Fire, de Karen O et de d’autres compositeurs, l’œuvre s’attarde au récit d’un homme solitaire, Theodore Twombly (Joaquin Phoenix) qui tombe amoureux d’un bidule électronique doté d’une forte intelligence artificielle (dont la voix est personnifiée par Scarlett Johansson).
5. Interstellar de Christopher Nolan – États-Unis
Que dire de plus sur cet intelligent et ambitieux blockbuster réalisé par nul autre que Christopher Nolan. Comme pour ses autres longs-métrages, les effets spéciaux sont sublimes et spectaculaires. En effet, le cinéaste américain d’origine anglaise préfère avoir recours le moins possible à une imagerie recréée par ordinateur en construisant des maquettes, des objets de toutes sortes et en filmant dans des lieux réels. Les effets créés par informatique sont ainsi utilisés comme béquille dans le cinéma de Nolan afin de pallier les détails qui auraient pour cause d’échapper au réalisme recherché par le cinéaste-auteur. À la manière des explorateurs ou des navigateurs du XVe siècle, une équipe d’astronautes partiront dans l’espace à la découverte de nouvelles terres habitables afin de sauver l’humanité. Si ce n’est déjà fait, le film doit absolument être vu en salle Imax afin de contempler le film en format pellicule avec toutes les petites imperfections du médium (saletés, débris, etc.) et pour apprécier davantage les différents ratios d’images. Le tout accompagné d’une trame sonore grandiose d’Hans Zimmer.
4. Nightcrawler de Dan Gilroy – États-Unis
Connu surtout pour l’écriture de divers scénarios (The Fall, The Bourne Legacy), Gilroy scénarise et réalise une première œuvre surprenante et accomplie. Dans la même veine que le Nouvel Hollywood ou le cinéma américain des années 70, le cinéaste porte un grand intérêt pour son protagoniste qui s’avère une figure de marginal ou du hors-norme. Afin d’établir une critique des médias d’information, Gilroy présente le récit de Lou Bloom (interprété par l’excellent Jake Gyllenhaal), un loup solitaire cambrioleur qui s’improvise journaliste vidéaste. À la recherche d’images les plus violentes et les plus sensationnelles dont regorge Los Angeles lors de nuits mouvementées, cet antihéros sociopathe est prêt à tout pour se faire de l’argent en les vendant à une chaîne de télévision.
3. Mommy de Xavier Dolan – Canada (Québec)
Grande réussite d’un point de vue narratif et esthétique, le film raconte les déboires d’une mère monoparentale (Anne Dorval) et de son fils (Antoine-Olivier Pilon) aux prises avec des problèmes de délinquance. Une lueur d’espoir pour la famille se pointe lorsqu’une voisine (Suzanne Clément) apparaît soudainement dans leur quotidien et devient peu à peu partie prenante d’une relation triangulaire. De loin le film le plus accessible et le plus mature de Dolan jusqu’à ce jour. Gagnant du Prix du jury au dernier Festival de Cannes, le long-métrage fut un succès populaire et critique au Québec. Œuvre explosive et colorée, Mommy embarque le spectateur dans des montagnes russes où est vécue une gamme complète d’émotions. À voir absolument!
2. Birdman d’Alejandro González Iñárritu – États-Unis
Constituée de nombreux plans-séquences raboutés ensemble, l’œuvre d’Iñárritu donne l’impression d’avoir été filmée sans coupure comme l’a fait auparavant Hitchcock avec Rope. Mis à part son exploit technique, le film épate par l’incroyable prestation de Michael Keaton qui donne l’impression de jouer lui-même sa propre bibliographie. En effet, le long-métrage décrit la vie d’un comédien has-been aux prises de problèmes familiaux qui a interprété à plusieurs reprises un super héros du nom de Birdman et qui connait une certaine difficulté à se trouver de nouveaux rôles. Ultérieurement, il reprend sa carrière d’acteur en faisant partie d’une production de Broadway. Tout comme l’a fait auparavant Aronofsky avec Mickey Rourke dans The Wrestler ou Tarantino avec John Travolta dans Pulp Fiction, le cinéaste mexicain remet au goût du jour Michael Keaton qui n’avait pas eu de rôles majeurs depuis les années 1990. Birdman s’avère un film exceptionnel sur la profession d’acteur et comporte d’excellentes performances de la part de Keaton, mais aussi d’Edward Norton et d’Emma Stone.
1. Boyhood de Richard Linklater – États-Unis
Filmé sur une période de douze ans et d’une durée qui frôle les trois heures, Boyhood est l’acte de vieillir sur pellicule. Linklater permet au spectateur de voir grandir et mûrir ses protagonistes. On y suit particulièrement un garçon élevé au Texas au XXe siècle en passant par diverses étapes de sa vie : enfance, adolescence et début de la vie adulte. Le fait de filmer l’œuvre sur plus d’une décennie permet de transposer de façon admirable le passage du temps, une des thématiques centrales employées par le cinéaste américain. Le long-métrage est d’une importance primaire dans la filmographie du réalisateur et du cinéma, en général, durant l’année 2014, car il s’agit d’un projet d’une vie et que nul autre passionné du septième art comme Richard Linklater n’aurait pu créer une telle œuvre comme Boyhood.
***
Pour ceux qui ont beaucoup de temps devant eux, quinze autres films également fort intéressants de 2014.
(Pas en ordre précis)
- The Immigrant de James Gray – États-Unis
- Noah de Darren Aronofsky – États-Unis
- The Raid 2 de Gareth Evans – Indonésie, États-Unis
- Enemy de Denis Villeneuve – Canada (Québec), Espagne
- The Theory of Everything de James Marsh – Royaume-Uni
- Diplomatie de Volker Schlöndorff – France, Allemagne
- The Two Faces of January d’Hossein Amini – Royaume-Uni, France, États-Unis
- The Drop de Michaël R. Roskam – États-Unis
- Life Itself de Steve James – États-Unis
- Tu dors Nicole de Stéphane Lafleur – Canada (Québec)
- The Past d’Asghar Farhadi – France, Italie, Iran
- Joe de David Gordon Green – États-Unis
- A Most Wanted Man d’Anton Corbijn – Royaume-Uni, États-Unis, Allemagne
- Stretch de Joe Carnahan – États-Unis
- The Good Lie de Philippe Falardeau – Kenya, Inde, États-Unis
***
Enfin, voici une douzaine de films qui n’ont pas été pris en considération pour le palmarès de 2014 dû à un problème de distribution (dates de sortie repoussées à 2015) ou par simple manque de temps pour tous les visionner.
- Inherent Vice de Paul Thomas Anderson – États-Unis
- Selma d’Ava DuVernay – Royaume-Uni, États-Unis
- American Sniper de Clint Eastwood – États-Unis
- Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan – Turquie, France, Allemagne
- Sils Maria d’Olivier Assayas – France, Suisse et Allemagne
- Force majeure de Ruben Östlung – Suède, France et Norvège
- Timbuktu d’Abderrahmane Sissako – France, Mauritanie
- Leviathan d’Andrey Zvyagintsev – Russie
- The Look of Silence de Joshua Oppenheimer – Danemark, Finlande, Indonésie, Norvège et Royaume-Uni
- Citizenfour de Laura Poitras – Allemagne, États-Unis
- Le dernier des injustes de Claude Lanzmann – France, Autriche
- The Voices de Marjane Satrapi – Etats-Unis, Allemagne
















