Palmarès de 2020 – 10 films à voir

L’année 2020 aura été une année somme toute particulière pour les cinéphiles qui ont dû abandonner le grand écran pour les plateformes de vidéo sur demande au grand bonheur des Netflix, Prime Video ou Disney Plus de ce monde. Du côté de l’industrie cinématographique, le modèle classique de distribution, qui donnait l’exclusivité aux exploitants de salles pendant quelques mois, s’est vu commencer à s’effriter en donnant l’avantage aux plateformes numériques.

Avec l’annonce récente des studios Warner Bros qui nous apprenaient que tout leur catalogue 2021 serait offert simultanément en salles (pour celles qui sont encore ouvertes) et sur la chaîne HBO Max, plusieurs cinéastes ont pris la parole dans les médias, dont Denis Villeneuve, Christopher Nolan et James Gunn pour dénoncer cet affront envers le cinéma. En effet, certaines œuvres se doivent d’être vues sur plus grand écran et avec le meilleur son possible afin de favoriser l’immersion et le caractère attractif des images.

Tout n’est pas noir, toutefois, même si la pandémie a changé ou changera notre façon de consommer du contenu. De belles initiatives en provenance des cinémas indépendants ou des festivals ont pu tout de même voir le jour. À même leur salon, il fut possible pour nombreux cinéphiles de se transporter virtuellement, dans le confort de leurs joggings, au Cinéma du Parc ou au Cinéma moderne, ou bien au Festival du nouveau cinéma, au TIFF et au Festival de Cannes, pour n’en nommer que quelques-uns, afin d’avoir accès à de nombreux films en primeur.

Bref, c’est sur cette note plus optimiste que je vous dévoile mon palmarès (très en retard) des dix longs métrages qui m’ont le plus marqué au cours de 2020. Comme pour les années précédentes, je vous proposerai une vingtaine d’œuvres tout aussi pertinentes, à ne pas manquer, ainsi que les films à surveiller pour l’année 2021.

10. Babyteeth de Shannon Murphy Australie

Premier long métrage de la cinéaste australienne Shannon Murphy, le film divulgue le passage à la vie adulte de Mila, une jeune fille atteinte d’un cancer (Eliza Scanlen) tombant sous le charme de Moses (Toby Wallace), un délinquant charismatique. Ponctuée par de nombreux intertitres originaux, d’une photographie léchée et d’une trame sonore mémorable, l’œuvre se distingue par son caractère imprévisible et sa structure non linéaire qui réserve de nombreuses surprises aux spectateurs. Autant les acteurs principaux que ceux de soutien (les superbes Essie Davis et Ben Mendelsohn dans la peau des parents de la protagoniste) marquent les esprits par leur jeu juste et émouvant dans cette histoire d’amour impossible.

9. Bad Education de Cory Finley – États-Unis

Basé sur une histoire vraie, le second long métrage du cinéaste américain Cory Finley s’intéresse au plus grand détournement de fonds publics commis par des dirigeants d’une école secondaire aux États-Unis. Sur fond de comédie dramatique, Bad Education dépeint le sordide destin de deux personnages à la fois détestables et sympathiques, le directeur d’école Frank Tassone et son assistante Pam Gluckin, interprétés respectivement par les charismatiques Hugh Jackman et Allison Janney. Doté d’une mise en scène sobre et classique, le scénario écrit par Mike Makowsky (ancien élève de l’école secondaire où a eu lieu le scandale) garde le spectateur captivé tout au long de ce récit où trônent la corruption et la cupidité.

8. Ema de Pablo Larraín – Chili

Ponctué d’une superbe photographie de Sergio Armstrong (son fidèle directeur photo qui a travaillé sur plusieurs de ses projets) et d’une imagerie déjantée empruntant aux codes du vidéoclip, le réalisateur Pablo Larraín s’attarde pour son nouveau long métrage à la dissection du couple moderne chilien. À la suite d’un terrible événement impliquant leur fils adoptif, le ménage constitué des interprètes Mariana Di Girólamo (Ema) et Gael García Bernal (Gastón) verra sa relation s’effriter. Truffé de surprises scénaristiques et de chorégraphies impressionnantes (les protagonistes jouent des danseurs professionnels), le film porte un regard lucide à la fois sur la culpabilité, la parentalité, et d’une certaine manière, la revanche.

7. True History of the Kelly Gang de Justin Kurzel – Australie et Royaume-Uni

Dès son premier long métrage The Snowtown Murders, le cinéaste australien Justin Kurzel voue une certaine admiration pour la psyché humaine et la notion du pouvoir, où la violence n’est jamais bien loin dans sa filmographie. Après l’excellent Macbeth et le décevant Assassin’s Creed, Kurzel revient aux sources avec un nouveau film sombre et viscéral. D’un ton baroque et punk, True History of the Kelly Gang se consacre au légendaire antihéros Ned Kelly (interprété par l’excellent George MacKay qu’on a pu découvrir dans le rôle principal de 1917 de Sam Mendes), genre d’équivalent australien du brigand Jesse James aux États-Unis. D’une distribution de renom avec, entre autres, Russell Crowe, Charlie Hunnam et Nicholas Hoult, et d’une mise en scène complètement éclatée, le film se base sur trois périodes phares de l’histoire de ce célèbre fugitif. L’enfance difficile et formatrice du protagoniste, le début de sa vie adulte en tant que leader de gang, et enfin, le parcours guerrier dans les bois de ce hors-la-loi recherché par les autorités. Du véritable cinéma qui prend aux tripes et qui ne laissera pas indifférents les cinéphiles les plus aguerris.

6. 1917 de Sam Mendes – Royaume-Uni et États-Unis

D’une virtuosité technique hors pair, le dernier long métrage de Sam Mendes (American Beauty, Road to Perdition et Skyfall) étonne évidemment par ses longs plans continus donnant l’impression d’assister à un plan séquence (eh oui, l’œuvre contient plusieurs coupures cachées) d’une durée de près de deux heures. Au-delà d’effets spéciaux grandioses et d’une photographie léchée du vétéran directeur photo Roger Deakins, le film de guerre aborde les valeurs classiques propres à ce genre cinématographique, dont l’héroïsme, le courage et la détermination, sans nécessairement être aux prises avec un patriotisme et un chauvinisme ostentatoire. Bercée par la sublime musique du compositeur Thomas Newman, cette course contre la montre, où deux soldats britanniques (interprétés par George MacKay, véritable révélation, et Dean-Charles Chapman) doivent braver le territoire ennemi afin de livrer un message qui permettra à 1600 hommes d’éviter de se jeter dans la gueule du loup, tient en haleine le spectateur du début à la fin.

5. Les misérables de Ladj Ly France

Élevé dans la cité parisienne de Montfermeil, le cinéaste Ladj Ly est en terrain connu lorsqu’il réalise son premier long métrage Les misérables, une adaptation de son court métrage du même titre. Dans la même veine que La haine de Mathieu Kassovitz, le film épouse, non pas le point de vue de la jeunesse laissée pour compte, mais celui des forces de l’ordre qui patrouillent dans une banlieue défavorisée. D’un style quasi documentaire et tourné avec de nombreux acteurs non professionnels, le réalisateur français d’origine malienne porte un regard neuf sur les tensions sociales et politiques qui subsistent dans les cités parisiennes en essayant de comprendre et en tentant d’expliquer les mécanismes d’oppression. Sans parler de cette scène finale puissante qui laisse bouche bée!

4. Swallow de Carlo Mirabella-Davis – États-Unis et France

Tout comme le superbe Promising Young Woman d’Emerald Fennell sorti récemment, le cinéaste étasunien Carlo Mirabella-Davis signe une première œuvre impressionnante qui doit beaucoup au mouvement #MeToo. Le film dévoile le récit de Hunter (l’excellente Haley Bennett), femme au foyer, enceinte, aliénée et captive de son mari et de sa belle-famille contrôlante, qui vit un puissant mal-être. Elle se livre à un passe-temps fort dangereux, celui d’avaler des objets qui font partie de son quotidien pour s’extirper de la vie domestique. Composé d’une photographie distinguée de Katelin Arizmendi (elle a collaboré récemment à la direction photo de Dune de Denis Villeneuve), ce drame intimiste et féministe rend hommage à toutes ces femmes qui se sont affranchies de la masculinité toxique.

3. Sound of Metal de Darius Marder – États-Unis

Le scénariste derrière l’ambitieux The Place Beyond the Pines de Derek Cianfrance réalise son premier long métrage de fiction, l’un des films les plus marquants de 2020, à mon sens. Sound of Metal met en scène l’histoire de Ruben (Riz Ahmed dans une prestation exceptionnelle méritant haut la main l’oscar de la meilleure interprétation masculine cette année), un batteur de métal professionnel qui connait une perte auditive subite se transformant rapidement en surdité totale. Le protagoniste devra faire le deuil de son ancienne vie et apprendre à vivre avec sa nouvelle condition. Le cinéaste Darius Marder, originellement du monde du documentaire, braque alors sa caméra sur la communauté sourde en tentant de démontrer tout le processus d’acceptation auquel un individu doit faire face lorsqu’il perd l’un des cinq sens. Avec une conception sonore ingénieuse (acouphènes, sons étouffés, vibrations, etc.) qui permet de se transposer dans la peau du protagoniste et une réalisation quasi documentaire, l’œuvre de Marder viendra assurément secouer le spectateur dans son for intérieur et l’aidera à mieux comprendre le quotidien des personnes sourdes. Comme l’aurait si bien dit le défunt critique cinématographique Roger Ebert, le cinéma est après tout un véritable vecteur d’empathie quand il s’intéresse adéquatement à la différence de l’Autre.

2. Another Round de Thomas Vinterberg – Danemark, Pays-Bas et Suède

Quatre enseignants, amis et collègues de travail d’une école secondaire se réunissent lors du quarantième anniversaire de l’un d’eux. Ils discutent alors d’un psychiatre norvégien du nom de Finn Skårderud qui aurait théorisé l’idée que l’Homme est à son meilleur, socialement et créativement parlant, lorsqu’il a minimalement 50 mg d’alcool par 100 ml de sang dans le corps. Vous l’aurez deviné, le nouveau film de Thomas Vinterberg (Festen, The Hunt) part de cette prémisse où un quatuor composé d’hommes en pleine crise de la quarantaine décide de mettre du piquant dans leur vie en tentant de valider cette théorie. Plus leur taux d’alcool grimpe, plus le groupe se sent renaître, mais ça ne sera évidemment que de courte durée. En cette ère covidienne, Another Round, avec sa camaraderie et sa fraternité contagieuse, est le parfait film pour nous faire oublier le quotidien. Du rire aux larmes, le spectateur passera par une gamme d’émotions en prenant un vilain plaisir à suivre ces quadragénaires (dont l’un est joué par l’excellent Mads Mikkelsen) s’enivrer et tituber.

1. Nomadland de Chloé Zhao – États-Unis

Basée sur l’ouvrage documentaire Nomadland : Surviving America in the Twenty-First Century de la journaliste Jessica Bruder, la nouvelle œuvre de la cinéaste Sino-Américaine Chloé Zhao, présentée sous forme d’un road movie, s’intéresse à ces gens à la fois résilients et indépendants, en situation de précarité, qui par la force des choses, accumulent les petits boulots d’un endroit à l’autre afin de survivre en Amérique. Gagnant du Lion d’or à la Mostra de Venise, Nomadland révèle le récit de Fern (l’exceptionnelle Frances McDormand) qui, après la perte de son mari et d’un emploi bien rémunéré, décide de tout vendre et de partir en van, aménagé pour y vivre. Elle partira sillonner les États-Unis afin d’avoir l’opportunité de dénicher des emplois où bon lui semblera. Sur la route, la protagoniste fera de belles rencontres impromptues et apprendra peu à peu les rudiments du nomadisme (plusieurs des personnages du film interprètent leur propre rôle et proviennent eux-mêmes de cette sous-culture nomade). Pour ces derniers, le rêve américain peut révéler son caractère illusoire et devient alors impossible à saisir. À quoi bon le pourchasser quand on peut se regrouper et repartir sur de nouvelles bases. Lyrique et contemplatif, ce troisième long métrage, poignant, de Chloé Zhao, accompagné de la magnifique trame sonore du compositeur italien Ludovico Einaudi, viendra réveiller la fibre bohème en nous en cette période où la sédentarité est de mise.

Mentions honorables : 20 autres films de 2020 qui valent le détour

  • Tenet de Christopher Nolan – États-Unis et Royaume-Uni
  • Small Axe (anthologie) de Steve McQueen – Royaume-Uni
  • Palm Springs de Max Barbakow – États-Unis
  • The Platform de Galder Gaztelu-Urrutia – Espagne
  • Le jeune Ahmed des frères Dardenne – Belgique et France
  • First Cow de Kelly Reichardt – États-Unis
  • Sorry We Missed You de Ken Loach – Royaume-Uni, France et Belgique
  • Les Rose de Félix Rose – Québec (Canada)
  • I’m Thinking of Ending Things de Charlie Kaufman – États-Unis
  • Borat Subsequent Moviefilm de Jason Woliner – États-Unis et Royaume-Uni
  • Da 5 Bloods de Spike Lee – États-Unis
  • Promising Young Woman d’Emerald Fennell – États-Unis
  • Nadia, Butterfly de Pascal Plante – Québec (Canada)
  • Mank de David Fincher – États-Unis
  • The Nest de Sean Durkin – États-Unis, Royaume-Uni et Canada
  • It Must Be Heaven d’Elia Suleiman – Palestine, France, Canada et Turquie
  • The King of Staten Island de Judd Apatow – États-Unis
  • La déesse des mouches à feu d’Anaïs Barbeau-Lavalette – Québec (Canada)
  • On the Rocks de Sofia Coppola – États-Unis
  • Journal de Bolivie : 50 ans après la mort du Che de Jules Falardeau – Québec (Canada)

Longs métrages dont je n’ai pas eu le temps de visionner et/ou ceux qui prendront l’affiche au Québec cette année

  • Minari de Lee Isaac Chung – États-Unis
  • One Night in Miami de Regina King – États-Unis
  • The Mauritanian de Kevin MacDonald – Royaume-Uni et États-Unis
  • The World to Come de Mona Fastvold – États-Unis
  • The Father de Florian Zeller – France et Royaume-Uni
  • La Llorona de Jayro Bustamante – Guatemala
  • Cowboys d’Anna Kerrigan – États-Unis
  • Dear Comrades! d’Andrey Konchalovskiy– Russie
  • Sylvie’s Love d’Eugene Ashe – États-Unis
  • French Exit d’Azazel Jacobs – Canada et Irlande
  • Concrete Cowboy de Ricky Staub – États-Unis
  • Lux Æterna de Gaspar Noé – France
  • Mogul Mowgli de Bassam Tariq – États-Unis et Royaume-Uni
  • Joe Bell de Reinaldo Marcus Green – États-Unis
  • Atlantis de Valentyn Vasyanovych – Ukraine

Les films à surveiller en 2021 (plusieurs sont des films de 2020 dont la sortie a été repoussée)

  • Dune de Denis Villeneuve – États-Unis, Hongrie et Québec (Canada)
  • The Way of the Wind de Terrence Malick – États-Unis
  • Last Night in Soho d’Edgar Wright – Royaume-Uni et États-Unis
  • The Woman in the Window de Joe Wright – États-Unis
  • No Time to Die de Cary Joji Fukunaga – États-Unis et Royaume-Uni
  • Souterrain de Sophie Dupuis –Québec (Canada)
  • Antlers de Scott Cooper – États-Unis
  • Barbie de Greta Gerwig – États-Unis
  • Maria Chapdelaine de Sébastien Pilote – Québec (Canada)
  • Don’t Look Up d’Adam McKay – États-Unis
  • The Green Knight de David Lowery – États-Unis
  • The French Dispatch de Wes Anderson – États-Unis
  • A Quiet Place : Part 2 de John Krasinski – États-Unis
  • Old de M. Night Shyamalan – États-Unis
  • Halloween Kills de David Gordon Green – États-Unis
  • Eternals de Chloé Zhao – États-Unis
  • House of Gucci de Ridley Scott – États-Unis
  • Deep Water d’Adrian Lyne – États-Unis
  • Those Who Wish Me Dead de Taylor Sheridan– États-Unis
  • Stillwater de Tom McCarthy – États-Unis
  • The Tragedy de Macbeth de Joel Coen – États-Unis
  • West Side Story de Steven Spielberg – États-Unis
  • The Underground Railroad (minisérie) de Barry Jenkins – États-Unis

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