Top 10 – 2017

C’est avec quelques jours de retard que je vous présente mon palmarès annuel composé de dix films qui m’ont spécialement plu en 2017. Comme à l’habitude, il se veut très difficile de sélectionner un nombre restreint d’œuvres pour le top 10, c’est pourquoi j’insérerai en complément une vingtaine de longs métrages qui méritent également d’être vus tout en mentionnant les films qui n’ont pas figuré à cette liste (soit parce que je n’ai pas eu le temps de les voir et/ou en raison qu’ils prendront l’affiche au Québec en 2018.

10. Blade of the Immortal de Takashi Miike – Japon et Royaume-Uni

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Le centième long métrage de Takashi Miike, et non le moindre, célèbre à merveille l’œuvre entière du cinéaste japonais par sa violence graphique, son apport au cinéma de genre et son humour noir. Film de samouraïs tiré du manga d’Hiroaki Samura, Blade of the Immortal met en scène le récit de Manji (Takuya Kimura), un samouraï devenu immortel après avoir gagné une bataille épique. Malgré une victoire éphémère, la mort de sa sœur le rendra désabusé et amer. L’arrivée d’une fillette orpheline (Hana Sugisaki) lui proposant une quête de vengeance le sortira de sa torpeur. Viscérale et sanglante, l’œuvre de Miike mêle le fantastique au Japon féodal en livrant au passage un divertissement stylisé avec des scènes léchées de combats fort bien chorégraphiés sur le thème de la rédemption.

9. Mother! de Darren Aronofsky – États-Unis

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Œuvre divisive chez les critiques et mal-aimée du grand public en général, Mother! ne laissera personne indifférent. Rempli de symboliques tout en se prêtant à de multiples lectures possibles, le film d’Aronofsky s’éloigne du marketing fallacieux qui semblait annoncer un film d’horreur hollywoodien comme tant d’autres avec des « jump scares » à n’en plus finir. Tel un croisement entre les films Bug de William Friedkin et Rosemary’s Baby de Roman Polanski, Mother! se veut un thriller à la fois psychologique et surnaturel dévoilant le destin d’un couple (interprété par les excellents Jennifer Lawrence et Javier Bardem) qui sera mis à l’épreuve à la suite d’intrusifs visiteurs. Explorant les thématiques de la création (biblique et artistique), de la procréation et celle de l’écologie (la planète mère), le film promet au spectateur qui s’y aventure une expérience assez singulière glissant du cauchemar au chaos.

8. The Shape of Water de Guillermo del Toro – États-Unis

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Pour son dixième long métrage, del Toro signe une très belle œuvre romantique et lyrique faisant écho à La belle et la bête, le chef d’œuvre de Jean Cocteau. Témoignant d’une poignante relation entre une femme muette (la sublime Sally Hawkins) et une créature amphibie (le superbe Doug Jones sous son costume) qui nait dans un laboratoire secret durant la Guerre froide, The Shape of Water captive par ses personnages marginaux attachants (l’excellent Richard Jenkins dans la peau d’un artiste homosexuel, la talentueuse Octavia Spencer dans le rôle d’une femme noire concierge), son envoûtante trame sonore signée Alexandre Desplat et sa magnifique reconstitution de l’époque. Empreint de références au cinéma classique et au cinéma français (évoquant, entre autres, les films Delicatessen et Le fabuleux destin d’Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet), le cinéaste mexicain épate à nouveau avec ce conte fantasmagorique qui mêle divers genres (horreur, comédie musicale, film noir, etc.).

7. Three Billboards Outside Ebbing, Missouri de Martin McDonagh – Royaume-Uni et États-Unis

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Digne du cinéma des frères Coen, McDonagh dose soigneusement l’humour abrasif et le drame en créant l’œuvre la plus accomplie de sa filmographie. Après avoir réalisé la charmante comédie noire In Bruges et l’imparfait Seven Psychopaths, le cinéaste et scénariste britannique d’origine irlandaise s’intéresse, cette fois, à l’Amérique profonde où bon nombre d’Américains semblent avoir perdu foi en leurs institutions. Mère de famille, Mildred (la toujours excellente Frances McDormand) est cette citoyenne lambda qui décide de prendre la justice en main en faisant l’acquisition de trois panneaux publicitaires abandonnés qui, par leur contenu faisant acte de mauvaise presse aux forces de l’ordre, somme celles-ci à retrouver plus rapidement l’assaillant de sa fille violée et tuée. Ponctué d’une solide distribution (Woody Harrelson jouant le shérif mourant, Sam Rockwell dans la peau du policier intolérant et fils à maman, John Hawkes dans celle de l’ex-mari abusif) et d’un ingénieux scénario, le film Three Billboards Outside Ebbing, Missouri se démarque par son récit imprévisible et ses personnages plus nuancés qui n’en paraissent a priori.

6. The Lost City of Z de James Gray – États-Unis

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Contemplatif et doté d’une magnifique photographie de Darius Khondji, The Lost City of Z fait revivre un genre à l’agonie, soit celui du film d’aventure épique. Rappelant certaines œuvres de David Lean et de la franchise Indiana Jones de Steven Spielberg, Gray expose l’histoire vraie de l’explorateur britannique Percy Fawcett (Charlie Hunnam) qui tente, tant bien que mal, de trouver une cité perdue au sein de la forêt amazonienne. Obstiné et déterminé, ce sera à travers ses diverses traversées dans la jungle d’Amérique du Sud que le protagoniste pourra se réaliser. D’un rythme lent, le long métrage requiert la patience du spectateur, mais ce dernier saura être récompensé ne serait-ce que pour la beauté de ses images, le développement de ses personnages et l’ambiance mystérieuse qui s’en dégage.

5. The Square de Ruben Östlund – Suisse, Allemagne, France et Danemark

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Gagnant de la dernière Palme d’or, The Square s’avère une brillante satire sociale qui égratigne au passage l’univers de l’art contemporain et qui souligne dans un même temps les paradoxes de l’Homme. Après l’excellent Force majeure, Östlund s’attaque de nouveau à la condition humaine en prenant cette fois pour cible, Christian (interprété par l’excellent Claes Bang, véritable révélation pour ma part), un conservateur de musée aux prises avec ses contradictions qui tente de mettre sur pied une nouvelle exposition intitulée « The Square » à Stockholm. Ironique et bizarroïde, l’œuvre du réalisateur suédois regorge de scènes toutes plus étranges les unes que les autres dont une en particulier, décapante à souhait, dévoilant une performance artistique d’un homme se prenant pour un gorille (joué par le déconcertant Terry Notary qui figurait dans les derniers Planet of the Apes en tant que primate) relâché en plein milieu d’un banquet mondain. Malaises garantis.

4. Good Time des frères Safdie – États-Unis

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Tels des héritiers du Nouvel Hollywood, Benny Safdie et Josh Safdie s’intéressent à l’autre facette de l’Amérique à travers leur cinéma, c’est-à-dire celle des oubliés et des perdants. Après s’être penchés sur une communauté d’héroïnomanes (comme l’avait si bien fait auparavant Jerry Schatzberg avec The Panic in Needle Park en 1971) dans Heaven Knows What, les réalisateurs new-yorkais se concentrent ici sur le récit de deux frères, l’un déficient mental (incarné par Benny Safdie, l’un des réalisateurs) et l’autre qui s’avère un malfrat (personnifié par le méconnaissable Robert Pattison qui donne la meilleure performance de sa carrière). À la suite d’un vol qui ne s’est pas déroulé tel que prévu, Connie passera une nuit blanche pour tenter de libérer son frère handicapé détenu par la police. À la fois drôle et pathétique, Good Times rappelle à certains égards le film After Hours de Martin Scorsese où le spectateur prend un certain plaisir malsain à suivre les folles péripéties d’un protagoniste errant dans les rues sombres de New York. Sans parler de la musique expérimentale fort excentrique du groupe américain Oneohtrix Point Never qui participe à l’atmosphère angoissante du film.

3. A Ghost Story de David Lowery – États-Unis

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Film d’amour hors-norme, A Ghost Story est un magnifique long métrage sur les relations amoureuses, sur le deuil et sur le passage du temps. Possiblement influencé par l’esthétique malickienne, comme l’était son précédent film Ain’t Them Bodies Saints, sa dernière œuvre dévoile l’histoire d’un homme (Casey Affleck) ayant perdu la vie et qui revient visiter sa femme (Rooney Mara) sous l’apparence d’un fantôme (illustré par l’acteur lui-même portant un drap blanc). Cette prémisse semblait a priori farfelue, mais elle fonctionne dans l’idée où le réalisateur a limité les déplacements et les mouvements de l’interprète incarnant le spectre. Contemplatif, lent et peu verbeux (mis à part la brève scène de fête dans la maison), le film s’avère un excellent exercice de style dans l’optique où Lowery explore la notion du temps en prenant bien soin de le faire ressentir au spectateur à travers la durée de ses plans.

2. Toni Erdmann de Maren Ade – Allemagne, Autriche, Suisse, Roumanie et France

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Sortie sur grand écran au Québec au début de l’année 2017, cette comédie germano-autrichienne d’une durée frôlant les trois heures marquera les esprits par la justesse de son propos qui se veut teinté d’un voile contestataire et social. Maren Ade, cinéaste allemande peu connue des cinéphiles jusqu’à ce jour, explore les relations père-fille tout en s’adonnant à une certaine critique du monde du travail. Farceur compulsif et bohème, un père de famille (le touchant Peter Simonischek) tentera de reconnecter avec sa fille carriériste (l’épatante Sandra Hüller) en se faisant passer pour son coach de vie auprès d’elle et de ses collègues de travail. Un long métrage intelligent et humaniste qui surprendra tout spectateur désirant s’y exposer. Victime de son succès, un remake hollywoodien est déjà en production avec Jack Nicholson (sorti de sa retraite pour l’occasion) dans le rôle du paternel et Kristen Wigg dans la peau de sa progéniture. À suivre…

1. The Florida Project de Sean Baker – États-Unis

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Véritable surprise de 2017, Baker réalise une très belle fable contemporaine sur l’enfance en se captivant de nouveau pour les laissés-pour-compte du rêve américain. À l’ombre de Disney World, Moonee (Brooklynn Prince) âgée de six ans habite un HLM avec sa mère monoparentale. Pour la protagoniste et ses amis, ce motel crade aux couleurs pastel et ses environs deviennent le terrain de jeu de prédilection de ceux-ci qui passent leur journée à y errer. À travers l’innocence et la naïveté des enfants, le cinéaste américain fait découvrir au spectateur une Amérique délaissée et pauvre située tout juste à côté du parc d’attractions de Disney où se retrouvent nombreux vacanciers et touristes s’offrant ce « petit paradis ». The Florida Project épate par sa mise en scène énergétique à la fois quasi documentaire et féérique, par l’excellent jeu des interprètes non professionnels et le rôle de soutien de Willem Dafoe dans la peau du gérant de motel (presque travailleur social à ses heures) ainsi que par la sublime direction photo très colorée d’Alexis Zabe (connu aussi pour son travail brillantissime sur les films du réalisateur mexicain Carlos Reygadas).

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Vingt autres œuvres pertinentes de 2017 à visionner dans vos temps libres

(pas en ordre précis)

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  • Le problème d’infiltration de Robert Morin – Canada (Québec)
  • Blade Runner 2049 de Denis Villeneuve – États-Unis
  • Dunkirk de Christopher Nolan – États-Unis
  • Molly’s Game d’Aaron Sorkin – États-Unis
  • Mudbound de Dee Rees – États-Unis
  • La petite fille qui aimait trop les allumettes de Simon Lavoie – Canada (Québec)
  • Baby Driver d’Edgar Wright – États-Unis et Royaume-Uni
  • Logan de James Mangold – États-Unis
  • The Killing of a Sacred Deer de Yorgos Lanthimos – Royaume-Uni, Irlande et États-Unis
  • The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach – États-Unis
  • Brawl in Cell Block 99 d’ S. Craig Zahler – États-Unis
  • Detroit de Kathryn Bigelow – États-Unis
  • I, Daniel Blake de Ken Loach – Royaume-Uni, France et Belgique
  • The Beguiled de Sofia Coppola – États-Unis
  • Logan Lucky de Steven Soderbergh – États-Unis
  • Chuck de Philippe Falardeau – États-Unis
  • Neruda de Pablo Larraín – Chili, Argentine, France et Espagne
  • Get Out de Jordan Peele – États-Unis
  • Okja de Bong Joon-ho – Corée du Sud et États-Unis
  • Silence de Martin Scorsese – Mexique, Taiwan et États-Unis

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Longs métrages que je n’ai pas eu le temps de visionner et/ou ceux qui prendront l’affiche au Québec en 2018

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  • Phantom Thread de Paul Thomas Anderson – États-Unis
  • You Were Never Really Here de Lynne Ramsay – Royaume-Uni, France et États-Unis
  • The Post et Ready Player One de Steven Spielberg – États-Unis
  • Happy End de Michael Haneke – France, Autriche et Allemagne
  • Hochelaga : Terre des âmes de François Girard – Canada (Québec)
  • Hostiles de Scott Cooper – États-Unis
  • Les scènes fortuites de Guillaume Lambert – Canada (Québec)
  • Amant double de François Ozon – France et Belgique
  • Les faux tatouages de Pascal Plante – Canada (Québec)
  • Black Panther de Ryan Coogler – États-Unis
  • Annihilation d’Alex Garland – États-Unis et Royaume-Uni
  • Loveless d’Andrey Zvyagintsev – Russie
  • Isle of Dogs de Wes Anderson – États-Unis
  • The Villainess de Jung Byung-gil – Corée du Sud
  • In the Fade de Fatih Akin – Allemagne et France
  • Visages Villages d’Agnès Varda – France

Une réflexion sur “Top 10 – 2017

  1. Merveilleuse critique détaillé, ca m’a donné envie de voir plusieurs film que j’avais douté visioné.

    Merci

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